dimanche 29 octobre 2023

Un risque de leucémie accru chez les enfants qui grandissent près des vignes ! Chère amie, cher ami, Le 18 octobre dernier l’INSERM a sorti une étude qui a attiré l’attention de tous les vignerons et de leurs voisins(1,2). Les chercheurs nous rappellent d’emblée que l’exposition aux pesticides est un enjeu de santé publique et plus particulièrement pour les enfants. Ils précisent qu’il existe des études sur les dangers des pesticides dans les vignes pour les femmes enceintes ou pour les vignerons. En revanche, selon eux, il s’agit de la première étude qui analyse les dangers de la simple présence de vignes chez les enfants de moins de 15 ans(1,2). Et que nous apprend cette publication ? Ces travaux ont été menés par des scientifiques au sein du laboratoire CRESS, qui dépend de l’INSERM. L’ANSES et l’INCA, deux organismes publics, ont financé l’étude(1,2,3). Les chercheurs ont observé le risque de leucémie chez les enfants de moins de 15 ans résidant près des parcelles viticoles. Les leucémies sont des cancers du sang qui touchent les cellules de la moelle osseuse. Ces dernières servent notamment à produire les globules blancs nécessaires à la défense immunitaire(4). L’étude a été réalisée sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine. Les chercheurs ont étudié des données du registre national des cancers de l’enfant (RNCE) entre 2006 et 2013 et ont comparé deux groupes d’enfants(1,2) : un premier compte 3 711 enfants malades qui ont vécu près des vignes ; le groupe témoin compte 40 196 enfants non malades du même âge. La présence des vignes et leur surface ont été calculées à partir de cartes IGN, de photos aériennes et de données cadastrales. Les auteurs de l’étude arrivent à deux conclusions(1,2) : la seule présence de vignes dans un périmètre de 1 000 mètres de l’habitation ne constitue pas un risque de leucémie chez les enfants ; à partir de 1 000 mètres plus le périmètre de distance des vignes se réduit, plus le risque de leucémie augmente. Les chercheurs notent même une corrélation proportionnelle : une augmentation de 10% de la surface, augmente le risque de 10%. Les chercheurs pensent que l’augmentation du risque est liée aux épandages de pesticides. Les familles de vignerons le savent depuis longtemps… Malheureusement, le risque lié aux épandages n’est pas nouveau. Dès les années 90, des médecins du CHU de Montpellier signalent l’existence de cas cliniques troublants(5). Des enfants de vignerons ou d’agriculteurs naissent avec des becs-de-lièvre et des malformations oro-faciales diverses. Et déjà, les médecins de l’époque associent le problème aux pesticides(5). En 1991, un réseau de toxico-vigilance a été mis en place par la Mutualité sociale agricole pour recenser les accidents liés à l’emploi des pesticides(5). La liste des accidents rapportés est inquiétante : problèmes de peau : allergies, eczémas, intoxications ; troubles du foie et du système digestif dont des vomissements et nausées ; symptômes respiratoires : toux et oppression thoracique notamment ; atteintes au cerveau : vertiges et maux de tête. Voilà pour les accidents “immédiats”. À plus long terme, différentes études ont établi des liens entre les pesticides et des(5,6) : cancers du cerveau, de la prostate ou de la vessie ; maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer ou Parkinson ; troubles de la reproduction : stérilité, fausses couches ou malformations congénitales. On sait aujourd’hui que les pesticides sont des perturbateurs endocriniens(7). Cela veut dire qu’ils(7) : modifient la production des hormones naturelles ; se substituent aux hormones naturelles et “miment” leurs actions ; inhibent l’action des hormones naturelles. Sans surprise, une exposition à long terme aux pesticides a des effets sur le métabolisme du corps humain. Cela explique aisément les cancers, les maladies neuro-dégénératives et les problèmes liés à la reproduction. Comment ont réagi les vignerons lorsque ces premiers résultats sont apparus ? Ils se sont mis à se protéger(5). Ils ont revêtu des tenues de cosmonautes et ont continué à épandre d’importantes quantités de pesticides(5)… Faire évoluer les choses prend du temps Pendant longtemps, l’idée que les pesticides puissent être mauvais a été fortement combattue par les syndicats agricoles majoritaires(5,7). Et cela est compréhensible. La vigne est fragile. Elle est sensible au mildiou, au gel, au froid, aux parasites, etc(8). Les vignerons font un métier difficile qui demande un savoir-faire d’exception. Les pesticides, on le comprend aisément, leur sont très utiles. Mais faut-il qu’ils travaillent au péril de leur vie ou de celle de leurs enfants ? Ce n’est évidemment pas souhaitable. Les chiffres d’hier et d’aujourd’hui… En 2005, la France était le 4e consommateur au monde de pesticides(5). On utilisait, en France, 95 000 tonnes de pesticides par an(5). La vigne utilisait 35% de ces pesticides, épandus sur 850 000 hectares(5). En 2021, la France utilisait environ 50 000 tonnes de pesticides par an(9). La vigne couvrait 800 000 hectares de terre, soit 3% de la surface agricole et consommait 20% des pesticides du pays(9,10). Ces chiffres montrent deux choses : D’abord que les efforts sur les pesticides consentis par les agriculteurs ces 20 dernières années ont été considérables. Leur consommation a chuté de moitié. En plus, les molécules les plus toxiques ne seraient plus utilisées(5,9). Mais, hélas, la consommation de produits phytosanitaires est toujours élevée. 20% des pesticides consommés sur 3% des surfaces agricoles, cela reste une très forte concentration ! Et demain? Les travaux du laboratoire CRESS de l’INSERM ne sont pas achevés. Les scientifiques ont prévu d’étudier les données concernant d’autres cultures. Et il est très probable qu’ils trouvent des données inquiétantes chez les fruitiers par exemple ou dans d’autres domaines(1,2). Si l’on veut sortir de ces chiffres inquiétants, il n’y a pas 36 solutions, il faut adopter une agriculture plus respectueuse du monde vivant. Cela passe par davantage d’agriculture biologique et par la permaculture ou l’agroforesterie. Et si vous trouvez que les prix sont trop élevés - ce qui est parfois le cas - rappelez-vous d’une autre étude de l’INSERM ayant porté sur près de 70 000 personnes en 2018(11,12). La conclusion principale des chercheurs était que ceux qui consommaient des produits issus de l’agriculture biologique avaient un risque de cancer 25% plus faible que les autres(8,9). Les données se croisent. Que l’on s’intéresse aux vignerons, aux enfants qui résident près des vignes ou aux consommateurs, les conclusions sont toujours les mêmes : une agriculture propre et respectueuse de l’environnement fait baisser le risque de cancer chez tout le monde ! Naturellement vôtre, Augustin de Livois

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