dimanche 4 février 2024
Les parents de l’assassin de Samuel Paty ont-ils bénéficié d’une allocation en raison du décès de leur fils ?
Le ministère des Solidarités et la CNAF démentent la rumeur selon laquelle la famille Anzorov aurait touché une aide de l’Etat liée à la mort de leur fils, abattu par la police. Les deux hommes à l’origine de cette information reconnaissent ne pas avoir de «preuve» d’un tel versement.
En France, il existe une allocation suite au décès d’un enfant, qui peut être versée si la mort de l’enfant présent au foyer est intervenue avant ses 25 ans. (MAgali Cohen /Hans Lucas. AFP)
par Jacques Pezet publié le 14 décembre 2023 à 16h23
Le 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty a été décapité par le terroriste islamiste de 18 ans Abdoullakh Anzorov, un réfugié de nationalité russe et d’origine tchétchène. L’assassin a ensuite été abattu par la police.
Trois ans après, une rumeur circule selon laquelle les parents d’Abdoullakh Anzorov, depuis la mort de ce dernier, «auraient obtenu le versement d’une allocation de plusieurs milliers d’euros de la part de la CAF de Conflans-Sainte-Honorine (78). La CAF verse une allocation en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans présent au foyer. L’allocation est due en cas de décès intervenant à partir de la vingtième semaine de grossesse. Son montant est de 1 076,11 € ou de 2 152,17 € en fonction des ressources des parents».
En France, il existe une allocation suite au décès d’un enfant, qui peut être versée si la mort de l’enfant présent au foyer est intervenue avant ses 25 ans. Versée en une fois, le montant de cette aide varie entre 1 082 et 2 163 euros selon le nombre d’enfants à charge lors du décès. Sur son site, la CAF précise que pour une famille déjà allocataire, il n’y a «pas besoin de déclarer le décès ou de transmettre l’avis de décès à [la] CAF. Les services d’état civil s’en occupent automatiquement». Ce qui a pour conséquence que «la CAF verse automatiquement» l’allocation. Si la famille n’est pas allocataire, elle doit alors remplir un dossier pour obtenir le versement.
«La famille n’était pas éligible»
Contacté par CheckNews, le ministère des Solidarités dément ces allégations et assure que «contrairement à de fausses informations qui circulent sur ce sujet depuis plusieurs années, la CNAF [Caisse nationale des allocations familiales, ndlr] confirme qu’aucune allocation en cas de décès d’enfant n’a été versée par une CAF à la famille Anzorov suite au décès d’Abdoullakh Anzorov». Egalement sollicitée, la CNAF confirme les propos du ministère et détaille les raisons : «Abdoullakh Anzorov n’étant pas déclaré à charge de ses parents au moment de son décès, sa famille n’était pas éligible au versement de cette allocation».
L’ information selon laquelle la famille avait perçu l’allocation avait initialement été partagée sur Twitter en octobre 2021 par Rémi Tell, un entrepreneur issu de la droite LR et ancien adjoint au maire de Conflans-Sainte-Honorine chargé de la jeunesse jusqu’en 2017. Depuis la crise sanitaire du Covid, il gravite dans les sphères antivax et il lui arrive d’être invité dans des médias pour y dénoncer le progressisme ou l’immigration. Il assurait alors que l’information avait été «recoupée de multiples fois» puisqu’il avait interrogé «4 salariés de la CAF 28». Il semblait alors confondre les départements de l’Eure-et-Loir (28) et de l’Eure (27) où résidait Abdoullakh Anzorov.
Dans une interview diffusée le 18 octobre 2023 par le média Tocsin, marqué à droite, Rémi Tell revient sur le sujet en ces termes : «Cette information, je la tiens d’une enquête que j’avais menée avec mon camarade Paul Marion, qui a été journaliste au Figaro puis à la Tribune. Et président aussi de l’Association des amis de Samuel Paty. Il y a deux ans de ça, on a décroché notre téléphone puisqu’on avait eu une indiscrétion sur le sujet. On a contacté des salariés de la CAF de l’Eure. C’est le département dans lequel résident les parents du terroriste. Et ces gens-là nous ont confirmé en fait oralement plusieurs confirmations orales, de ce que la famille Anzorov, la famille de l’assassin de Samuel Paty, avait bien touché une allocation entre 1 000 et 2 000 euros. Au titre d’un enfant décédé puisque leur fils a été tué par la police nationale à proximité du collège de Conflans.»
Pas de «confirmation écrite»
Le «scoop» n’a cependant pas fait l’objet d’article de la part du binôme originaire de Conflans-Sainte-Honorine. Selon les explications de Rémi Tell au Tocsin, «ce qui nous a manqué avec Paul Marion pour publier une enquête, c’était une confirmation écrite, rendue impossible parce qu’en fait parce qu’il y a eu une sorte de mise sous séquestre du dossier de la famille Anzorov à la CAF du 27 par les services de renseignement français».
Sollicité, le journaliste Paul Marion reconnaît qu’ils n’avaient rien publié car «on n’a pas eu la preuve formelle» du versement de cette allocation. «On a contacté pas mal de gens de la CAF de l’Eure» qui «n’ont pas nié, mais n’ont pas confirmé non plus», explique-t-il. Son camarade Rémi Tell reconnaît qu’«qu’on est sorti de cette enquête persuadés, et pas convaincus que l’allocation a été versée parce que dans les peu de contacts téléphoniques qu’on a eu, on a senti une gêne extrême». Les deux hommes n’ont donc aucun élément matériel qui prouve un tel versement, et leur information repose sur le fait que des employés de la CAF de l’Eure n’ont ni démenti ni confirmé l’idée que la famille Anzorov ait pu toucher l’allocation. Ce qui n’a pas empêché Rémi Tell d’affirmer sur Twitter le 15 octobre 2021 que «l’Etat a versé, via la Caisse d’allocations familiales de l’Eure, entre 1 000 et 2 000 euros d’allocation enfant décédé aux parents d’Abdoullakh Anzorov».
Confrontés au démenti formel de la CNAF et du ministère des Solidarités, les deux hommes estiment que l’ultime preuve de l’existence ou de la non-existence de ce versement pourrait être apportée par la commission d’enquête créée par le Sénat au mois de juin, qui pourrait demander ce document, s’il existe. Ils indiquent avoir sollicité des sénateurs pour effectuer cette vérification.
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