lundi 10 mars 2025
Article à diffuser SVP , du Général (2.S) Antoine MARTINEZ ...!!!
Pourquoi instrumentaliser la peur et la dissuasion nucléaire française ?
Le changement total d'approche du traitement du conflit en Ukraine provoqué par la
nouvelle administration américaine, dont la priorité réside à présent dans la normalisation
de ses relations avec la Russie qui passe par l'arrêt négocié de cette guerre, entraîne un
véritable bouleversement dans les relations et sur les sujets d'ordre stratégique entre les
Etats-Unis et les membres de l'Alliance atlantique. Les Européens, qui depuis la fin de la
Guerre froide avaient précipitamment mais imprudemment décidé d'engranger les
dividendes de la paix et de confier, ainsi à moindre frais, leur sécurité aux Américains, se
trouvent fort dépourvus subitement en se rendant compte que les Etats-Unis ne
risqueraient probablement pas un conflit nucléaire avec la Russie pour un pays européen.
Le constat est douloureux et la multiplication des réunions, sommets ou autres entretiens
bilatéraux révèle une certaine panique. C'est dans ce contexte que certains évoquent
l'arsenal nucléaire français et poussent à repenser son rôle en Europe.
Le président de la République a lui-même, par ses déclarations récentes, provoqué
l'ouverture du débat autour de l'arme nucléaire française qui pourrait, dans le cadre d'une
« défense européenne crédible à construire », contribuer davantage à la protection de
l'Europe. Un quotidien britannique, lui, jette le trouble en annonçant que le bouclier
nucléaire français pourrait s'étendre à toute l'Europe avec le stationnement en Allemagne
d'avions Rafale porteurs de l'arme nucléaire. De son côté, le futur chancelier allemand se
dit prêt à se placer sous la dissuasion nucléaire française. On le constate, devant ce que
les chancelleries européennes considèrent de plus en plus comme un désengagement
militaire américain du continent européen, le sujet épineux du rôle de la dissuasion
nucléaire française en Europe provoque un débat enflammé, voire une polémique nuisible
entretenue par le président de la République lui-même pour des raisons probablement
inavouées qui conduisent d'aucuns à imaginer une conception de la dissuasion nucléaire
inconciliable avec son principe cardinal lorsqu'ils invoquent son élargissement, son
partage, voire la concertation.
Il convient donc, dans ces conditions, de rappeler quelques principes intangibles qui
caractérisent la dissuasion nucléaire française. Notre arme nucléaire a une vocation
purement défensive et ne doit nullement être considérée comme pouvant jouer un rôle
militaire. Son emploi ne se conçoit que si un adversaire s'en prenait « aux intérêts vitaux
de la France ». Enfin, notre pays dispose d'un arsenal reposant autour de la notion de
stricte suffisance considérée comme crédible pour causer à un adversaire des dommages
inacceptables de manière assurée et pour lui permettre de disposer d'une capacité de
frappe en second en cas d'attaque nucléaire venant d'un ennemi.
La réalité, l'existence, la nature même de la dissuasion nucléaire implique le risque. C'est
un point capital chargé de gravité et de responsabilité. Car dans le cas d'une confrontation
entre deux Etats disposant de l'arme nucléaire plusieurs inconnues compliquent l'équation
et toute erreur d'appréciation peut avoir des conséquences effroyables. La dissuasion est
une question éminemment subjective dans laquelle aucune certitude ne peut exister. C'est
pourquoi, la dissuasion nucléaire est sans partage et ne peut fonctionner que si les
fondements de la nation, et d'elle seule, se trouvent en danger. Personne ne pourrait
croire qu'un Etat puisse s'engager dans une action d'une telle gravité si ce n'est parce que
sa survie – la sienne, pas celle d'un autre, fût-il allié – est en jeu. Evidemment, il est
possible qu'un Etat estime ses intérêts vitaux comme menacés si un territoire extérieur au
sien est atteint. Il est alors seul juge de son engagement nucléaire, car il en assume seul
le risque. Alors, bien sûr, la coopération étroite entre Européens doit, c'est une évidence,
s'étendre à la défense et à la sécurité. On ne peut, que regretter d'ailleurs la réticence,
sinon le rejet, jusqu'à ce jour de la notion « d'autonomie stratégique européenne » de la
part de nombreux partenaires européens qui craignaient un éloignement dangereux des
Etats-Unis et de l'OTAN qui semble se préciser aujourd'hui avec la nouvelle administration
américaine. Pour le dire autrement, l'OTAN a représenté jusqu'à ce jour un obstacle
majeur à cette autonomie européenne. Cette coopération étroite entre Européens en
matière de défense et de sécurité est donc nécessaire. Mais la décision qui aboutirait à
l'engagement des forces nucléaires françaises ne peut relever que de la souveraineté
française car elle engage la vie de la nation française. Il n'y a donc pas de partage
possible. D'ailleurs, qui pourrait ne pas comprendre, si la dissuasion évoluait vers une
dissuasion partagée, voire concertée, qu'elle perdrait toute crédibilité et disparaîtrait
aussitôt car sa soudaineté serait abolie par les discussions et les contraintes de toutes
sortes. Car, en effet, elle supposerait dans ce cas un accord entre Etats membres sur les
directions stratégiques et sur la perception des menaces et des risques, accord totalement
inexistant aujourd'hui mais en vérité inconcevable. En réalité, une telle conception de la
dissuasion nucléaire compromettrait, à l'évidence, sérieusement la défense et la sécurité
de la France, car en plaçant ses armes au service d'un ensemble de nations ou de
nationalités les dangers qu'elle engendre augmentent avec leur nombre. Dans le contexte
fébrile actuel, les déclarations inopportunes sur notre dissuasion nucléaire ne peuvent que
créer la polémique en interne et brouiller, voire affaiblir le message à l'extérieur, ce qui est
fâcheux et imprudent. Il convient de rappeler ici que l'indépendance est le droit historique
et inaliénable de notre nation souveraine d'être l'arbitre ultime de son propre destin. La
France ne peut donc pas renoncer à ce droit et à ce devoir au profit d'un quelconque
groupe de partenaires, en dépit des garanties de sécurité entre eux, et doit décider, seule,
la mise en œuvre de son arme nucléaire si elle considère, seule, que ses intérêts vitaux
sont menacés. Il ne peut pas y avoir de concertation avec des partenaires, c'est illusoire.
De surcroît, ses intérêts vitaux n'ont pas à être précisés. Ces discussions inopportunes à
ciel ouvert sont condamnables.
Cela dit, la première des dissuasions qu'un Etat, quel qu'il soit, doit mettre en œuvre est
celle préconisée par le principe « si vis pacem, para bellum ». Malheureusement, on sait
ce qu'il s'est produit en Europe à la fin de la Guerre froide. Tous les pays européens ont
préféré appliquer un autre principe, « engranger les dividendes de la paix », en délaissant
leur sécurité aux Etats-Unis. Trente-cinq ans plus tard, le résultat est saisissant et révèle
l'impéritie des dirigeants européens en matière de défense crédible de leurs peuples et
leur manque de vision sur la véritable menace existentielle qu'ils favorisent eux-mêmes en
ne protégeant pas les frontières extérieures de l'Union européenne (UE) contre une
submersion migratoire par des populations hostiles sous l'étendard de l'islam conquérant.
Par ailleurs, il est paradoxal, même s'il est indispensable d'œuvrer à une défense
européenne qui reste à construire – mais qui repose avant tout sur le renforcement de la
défense nationale des Etats membres – de tenir des discours guerriers au moment même
où un processus devant mener à la paix est imposé et engagé par les Etats-Unis avec la
Russie. Mais les Européens ne sont pas à un paradoxe près. Eux, qui souhaitent
aujourd'hui être protégés par notre dissuasion nucléaire, votaient, à l'ONU, en 1995 (10
membres de l'UE sur 15, dont précisément l'Allemagne), une résolution condamnant la
France pour ses essais nucléaires. Quant à la cohérence des décisions sur les moyens à
consacrer à la défense, le chef d'état-major des armées, le général de Villiers, n'a-t-il pas
été poussé à la démission par le président de la République pour avoir critiqué une
réduction de 850 M € du budget de la défense (1,77 % du PIB en 2017) alors que ce
même président envisage soudainement son augmentation entre 3,5 et 5 % du PIB ? La
première des dissuasions repose donc bien sur la possession d'un outil de défense
cohérent au niveau national et les Européens paniqués viennent d'en faire le constat
amer. Hormis le fait qu'un réarmement vient – dans un affolement de circonstance
entretenu par les partisans de la poursuite de la guerre – d'être décidé, sa concrétisation
dans l'enveloppe financière utopique annoncée par l'UE reste cependant hypothétique et
irréaliste, du moins à court et à moyen terme.
Alors, comment expliquer cette politique spectacle sur la nécessité impérieuse d'entrer en
économie de guerre alors que nous ne sommes pas en guerre ? Comment expliquer cette
instrumentalisation de la peur et notamment l'instrumentalisation de la dissuasion
nucléaire française, domaine qui requiert par nature d'être avare en paroles, tout
bavardage sur la place publique étant inopportun, déplacé et nuisible ? En procédant ainsi
et en désignant ouvertement la Russie comme une menace – qui plus est, existentielle
le président de la République ne prend-il pas le risque, en se présentant, de surcroît,
comme le chef de file de ceux qui veulent la poursuite de la guerre, de désigner la France
comme une menace potentielle et donc comme une cible privilégiée de la Russie qui ne
menace pas notre pays ?
En réalité, il y a une contradiction majeure entre cette démarche guerrière et la mise en
évidence des faiblesses et des lacunes des Européens en matière de défense après le
retrait opéré par les Etats-Unis. Mais cette contradiction, avec les ambiguïtés qu'elle
génère, est pleinement assumée car elle participe d'un projet européiste inavoué, auquel
semble souscrire le président de la République. Le conflit entre l'Ukraine et la Russie
donne, en fait, aux européistes une opportunité pour tenter de le réaliser. En effet, pour
construire une politique étrangère et de sécurité commune et une défense européenne qui
n'existent pas aujourd'hui, il faudrait favoriser la marche vers une Europe politique, c'est à
dire une Europe fédérale. Afin de justifier les renoncements et les efforts qu'imposeraient
une telle évolution, certains veulent faire croire que la défense de chacun des membres de
l'UE y serait mieux assurée et même qu'elle ne pourrait pas l'être autrement. Alors,
l'instrumentalisation de la peur devient le moyen pour vaincre les réticences notamment
françaises et l'instrumentalisation de la dissuasion nucléaire l'argument pour convaincre
les Européens. On aboutirait ainsi, les européistes en rêvent, à un Etat fédéral disposant
d'une diplomatie européenne (inexistante tant les divergences entre Etats membres sont
patentes), d'une armée européenne (utopique), d'un chef et d'un gouvernement (qui ?
comment le désigner ?), le tout justifiant le partage de la dissuasion nucléaire. Mais
l'Union européenne ce n'est pas les Etats-Unis, c'est l'association de vieux pays d'un vieux
continent avec des peuples ayant une histoire plus que millénaire, avec des langues
différentes. Ce n'est certainement pas une nation mais une multitude de nations qui,
certes, peuvent avoir des intérêts communs. Dans cette hypothèse d'une structure
fédérale, la France y perdrait cependant beaucoup. Elle serait, en effet, contrainte,
contrairement au Royaume-Uni qui a quitté l'UE, de laisser à cette entité son siège
permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, perspective inacceptable. De plus, l'UE a déjà
suffisamment démontré sa nocivité. Non seulement elle est incapable de défendre les
intérêts des peuples européens mais elle organise, de plus, son invasion. Cela suffit.
Dans ce nouveau contexte provoqué par l'espoir d'un futur accord sur le conflit entre
l'Ukraine et la Russie, fortement appuyé par la nouvelle administration américaine, n'est-il
pas temps pour les Européens de parler d'efforts pour construire la paix plutôt que pour la
guerre ? Instrumentaliser ainsi la peur et la dissuasion nucléaire devient contre-productif
pour les partisans de la poursuite de la guerre qui, d'une part, négligent les intérêts de
leurs peuples menacés par le vrai péril existentiel, l'islam conquérant et revanchard, et,
d'autre part, ne perçoivent pas que l'Histoire est en train de s'écrire sans eux. Alors, on
peut vivre d'illusions ou de fantasmes, mais également en mourir.
Le 09 mars 2025
Antoine MARTINEZ (général 2s
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